Les luttes fécondes. De Catherine Dorion.

mars 26, 2024

L’intersection du désir (et de la sexualité) et du politique, c’est le principe de cette collection. Jusque là, on était plutôt sur des thèmes intimes qu’il s’agissait de politiser. Ici, je trouve que c’est l’inverse. Parler de politique sur le registre du désir. Interroger le politique par ce qu’il nous provoque de désir, d’amour, ou pas. Et j’aime beaucoup cette idée (qu’on trouvait de manière beaucoup moins directe et beaucoup plus sage dans Joie militante par exemple). Il se trouve que j’ai beaucoup aimé la forme aussi, et qu’elle est en cohérence avec le propos. Ce n’est pas un essai théorique, c’est un texte personnel, poétique, foisonnant. Ce qui est tout à fait en accord avec le fait que l’autrice est artiste. Ce qui ne signifie pas du tout que ce n’est pas réfléchi, bien au contraire, mais c’est pensé et raconté autrement. En faisant notamment miroir entre sa vie amoureuse et son investissement politique, en dévoilant à quel point les mouvements du désir, ses élans et ses replis, sont du même ordre. Et à quel point aussi, on peut considérer que les déterminants de ces mouvements sont les mêmes et qu’ils ont maille à partir avec la vie. Plus clairement : avec le fait que le désir relève du vivant et du mobile, et qu’il survit mal à l’institutionnalisation, à la mise en forme structurée et close. Sur le champ amoureux, ce sont des questionnements qui m’ont tout à fait parlé, mais sans venir trop agiter de choses inattendues. J’ai trouvé ça réjouissant et ça me pose des questions, mais ce ne sont pas des surprises. Sur le champ politique, je trouve que le questionnement marche aussi bien mais il m’a bien plus surpris et il m’ouvre des champs potentiellement féconds. C’est un texte qui donne envie de toutes façons, qui est plein d’énergie et d’élan. Et qui est donc très agréable à lire, joyeux. Et je pense que c’est aussi lié au fait que l’autrice soit québecoise (pas tant pour les expressions, même si elles sont joyeusement assumées) mais pour la capacité à penser sans grandes formules et sans grands mots, de manière plus directe. Un livre joyeux, court et qui pose des questions engageantes, donc.

2 Responses to “Les luttes fécondes. De Catherine Dorion.”

  1. François Says:

    Ben voilà qui est très intéressant, car je n’aurais jamais associé le désir et la politique, tant je trouve la politique chiante et les politiciens coupés de leur désir. Mais je vois bien comment une politique basée sur le désir serait beaucoup plus proche du vivant que ce que nous connaissons actuellement.

    Je vais m’intéresser à cet ouvrage!

  2. François Says:

    Wow, qu’il est bien ce livre! J’en suis encore tout secoué et le poussière n’a pas fini de retomber.

    Déjà, ça me parle par rapport à la relation que je vis actuellement, où j’ai l’impression que nous faisons attention à bien des pièges mentionnés dans ce livre, mais ce dernier permet d’y mettre encore plus de conscience et, du coup, d’attention.

    Et l’articulation avec la politique est fascinante, même si j’avoue que la mise en application me paraît bien floue pour l’instant. Mais ça m’interpelle. Là, je reviens d’un stage de tantra et je suis toujours avec cette interrogation face aux très belles choses que nous vivons dans ces espaces: pourquoi est-ce qu’on n’y arrive pas au quotidien? Comment le tantra pourrait-il être vécu chaque jour, infuser nos institutions politiques? Nous avons un tel potentiel pour nous faire du bien les uns aux autres et nous investissons, la plupart du temps, cette énergie à nous faire du mal. Le désir est clairement la clé…


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